EMR : « La partie publique doit investir aux côtés des industriels » (Marc Lafosse, Énergie de la Lune)
« Pour tenir le Green Deal européen, il faudrait passer à l’installation de 20 GW
Gigawatt
d'éoliennes offshore chaque année à partir de 2030. Si la volonté politique affirmée à Ostende n’est pas suivie d’effet et notamment d’investissements, ça risque d'être compliqué. Mais j’ai plutôt le sentiment que dans l’annonce politique et symbolique du sommet, il y a une vraie prise de conscience que chacun va devoir faire des efforts, et notamment la partie publique en consentant des investissements aux côtés des industriels, » déclare Marc Lafosse
Président @ Bluesign BS • Président-directeur général @ Énergie de la Lune
, président-directeur général du cabinet d’ingénierie Énergie de la Lune
Cabinet d’ingénierie spécialisé dans les énergies marines renouvelables et le génie océanographique• Création : 2009• Activité : accompagnement des collectivités territoriales et industriels dans…
, président de la commission Énergies Marines du SER
Syndicat des énergies renouvelables
et de Bluesign, société organisatrice du salon Seanergy, à News Tank, le 05/05/2023.
Un Sommet de la mer du Nord organisé à Ostende a réuni neuf pays européens autour de l'éolien offshore, le 24/04/2023. La France, le Danemark, la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Irlande, la Norvège et le Luxembourg ont acté une feuille de route avec un objectif de 300 GW de capacité éolienne installée en mer du Nord en 2050.
Marc Lafosse répond aux questions de News Tank.
Lors du sommet d’Ostende, Emmanuel Macron a évoqué l’objectif d’avoir, à terme, des éoliennes « made in Europe ». Une souveraineté industrielle européenne sur l’éolien en mer est-elle réellement envisageable ?
Aujourd’hui, l’Europe est en mesure de produire les 7 GW de capacité éolienne installés chaque année en mer du Nord. Pour tenir le Green Deal européen, il faudrait passer à l’installation de 20 GW d'éoliennes offshore chaque année à partir de 2030. Si la volonté politique affirmée à Ostende n’est pas suivie d’effet et notamment d’investissements, ça risque d'être compliqué. Mais j’ai plutôt le sentiment que dans l’annonce politique et symbolique du sommet, il y a une vraie prise de conscience que chacun va devoir faire des efforts, et notamment la partie publique en consentant des investissements aux côtés des industriels.
Il s’agit entre autres de la mise à niveau des infrastructures portuaires, du réseau électrique, de la stratégie politique en soutien au vecteur hydrogène, du développement des compétences… Si les États assument ces investissements et engagements publics, les industriels pourront répondre à l’ambition politique.
La filière attend un soutien public aux investissements dans le domaine des infrastructures portuaires »La filière attend ainsi un soutien public aux investissements dans le domaine des infrastructures portuaires. En France, des montages financiers avec les collectivités régionales sont d’ores et déjà efficaces pour cette montée en compétence (polders, portique de levage, renforcements de quais). En l’occurrence, il s’agira par exemple de mettre en place des moyens de levage plus importants afin de pouvoir manipuler des turbines plus puissantes, donc plus grandes et plus lourdes.
Concernant le réseau électrique, il y a bien sûr un enjeu de financement, mais la question est plutôt du côté de l’anticipation. En effet, tous les acteurs sont conscients que la demande en électricité continuera à augmenter en France et en Europe. Mais pour renforcer les postes source, les postes secondaires, le câblage, les interconnexions, il faut anticiper : dans ce secteur, il faut s’y prendre cinq à sept ans en avance en France. Par ailleurs, les pays signataires à Ostende ont dit vouloir s’entendre sur la question de l’interconnexion entre pays, afin d’imaginer de nouvelles architectures de raccordement électrique pour de nouveaux parcs éolien plus loin en mer - alors que les réseaux étaient jusqu’alors pensés comme une liaison entre un point A et un point B.
Nous sommes très proches des fiançailles de l’hydrogène vert et de l'éolien offshore »À Ostende, les pays ont aussi pris l’orientation de favoriser le vecteur de stockage par hydrogène. C’est important pour la filière. Nous sommes très proches des fiançailles de l’hydrogène vert et de l'éolien offshore. Il y a d’ailleurs une tendance intéressante à la maritimisation de l’hydrogène : l'électrolyseur est installé au pied de l'éolienne, l’hydrogène va jusqu’au port par un pipeline, puis est directement utilisé par le port pour ses usages et ceux des bateaux…
Enfin, en termes de formation et d’emploi, il faut se donner la capacité de soutenir le développement de compétences. En France, nous devons accélérer. Aujourd’hui, l’accent est mis en parallèle sur l'éolien offshore et sur l’industrie nucléaire depuis le discours du Président de la République à Belfort. Chacune de ces filières tablant sur 10 à 12 000 nouveaux postes, on risque d’avoir du mal à monter sur ces deux voies de recrutement en même temps…
Quelle est la place de la France dans cette industrie ?
Un tiers des usines européennes de construction d'éoliennes offshore sont en France. Parmi les plus gros acteurs, Siemens Gamesa produit au Havre (Seine-Maritime) des pales et assemble des nacelles, les Chantiers de l’Atlantique fabriquent à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) des sous-stations électriques, General Electric Renewable Energy produit à Cherbourg (Manche) et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) des pales composites et des nacelles. Parallèlement, la France a une trajectoire à prendre dans le domaine de la construction navale et cet accord doit encourager encore plus d’investissements. Nous faisons le constat que la flotte française de navires de travail est constituée de petites et moyennes unités. Nos grands armateurs doivent franchir le pas pour la construction de très gros moyens maritimes d’installation de parc.
Dans le domaine de l’hydrogène, la France est aussi présente. Des usines de piles à combustibles commencent à apparaître. Chaque Région développe une stratégie H2 Hydrogène . À mon avis, pour l'éolien comme pour l’hydrogène, il y a d’ailleurs une tendance des Régions à se battre pour faire du « local content », c’est-à-dire favoriser ses acteurs locaux, ses start-up. Or il faudrait que l’on fasse tout d’abord du « national content », en pariant sur des acteurs nationaux.
La France raccroche les wagons en termes de parcs installés »Par ailleurs, la France est en retard sur le reste de l’Europe en termes de parcs installés, en raison des procédures judiciaires qui ont bloqué les mises en route pendant dix ans. Toutefois, elle raccroche les wagons. En ce moment le rythme s’accélère, avec la sortie de quatre à cinq parcs, le lancement d’appels à projet, et des objectifs à 40 GW installés en 2050. C’est une belle ambition. La loi d’accélération des EnR Énergies renouvelables fixe la réalisation de la cartographie des zones prioritaires pour l’éolien en mer à 2024. De ce fait la stratégie mer et littoral est déclinée par territoire au travers la révision des documents stratégiques de façades. Le débat public sera lancé à la fin de l’été. Cela permettra de placer les 40 GW sur la carte.
Dans ce contexte de développement annoncé, l’éolien flottant peut-il décoller face à l’éolien en mer posé ?
Il y a une complémentarité de l'éolien posé et de l'éolien flottant. La mer du Nord possède des zones où il est encore possible de développer des parcs, et comme elle est peu profonde, ce seront des parcs posés. Mais la Méditerranée a un plancher océanique qui plonge rapidement, et des vents intéressants et fiables. Là, ce sont des éoliennes flottantes qui peuvent être installées. En France, éoliennes posées et flottantes sont actuellement en processus d’appel d’offre en parallèle : du flottant en Méditerranée et Bretagne Sud sur trois zones à 250 MW Mégawatt de puissance chacune, et du posé au large de l'île d’Oléron et en Normandie. Il y aura toujours de la place pour les deux. Le soutien de l'État à la filière, réaffirmé à Ostende, bénéficiera d’ailleurs aux deux, que ce soit par le développement des infrastructures portuaires, le renforcement des réseaux, le recours à l’hydrogène. Et le flottant pourra être un relais de croissance pour les turbiniers.

Marc Lafosse
Président @ Bluesign BS
Président-directeur général @ Énergie de la Lune
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Parcours
Président
Président-directeur général
Actionnaire
Conseiller communautaire
Conseiller municipal, délégué à l’innovation, l’industrie, l’entrepreunariat, la recherche et l’enseignement supérieur
Fondateur
Fiche n° 49145, créée le 05/05/2023 à 11:51 - MàJ le 05/05/2023 à 12:12
Énergie de la Lune
Cabinet d’ingénierie spécialisé dans les énergies marines renouvelables et le génie océanographique
• Création : 2009
• Activité : accompagnement des collectivités territoriales et industriels dans leurs projets d’implantations relatifs aux EMR
• Président-directeur général : Marc Lafosse
• Tél. : 05 56 77 79 80
Catégorie : Expertise - Ingénierie
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Fiche n° 14827, créée le 05/05/2023 à 11:59 - MàJ le 05/05/2023 à 12:17