Debrief énergies : « Une planification des usages pour le PJL Industrie verte » (Mathias Laffont, UFE)
« Dans le cadre du PJL
Projet de loi
Industrie verte, nous allons avoir des sujets de concentration de nouvelles consommations électriques. Pour les gestionnaires de réseaux comme RTE, Enedis
Filiale indépendante du groupe EDF, en charge de la gestion du réseau de distribution d’électricité public sur 95 % du territoire français.• Création : 2008 (ERDF) / 2016 (Enedis)• Missions :…
ou les Entreprises locales de distribution, il faut avoir de la visibilité et une planification. Cette planification est faite pour les EnR
Énergies renouvelables
, il faut faire de même avec les usages et c’est aujourd’hui un manque. Les gestionnaires de réseaux électriques doivent être en capacité de raccorder plus globalement certaines zones identifiées », déclare Mathias Laffont, directeur Usages et territoires à l’Union française de l'électricité
Association professionnelle du secteur de l’électricité, l’UFE regroupe des producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique, mais aussi…
, lors du Debrief énergies organisé par News Tank le 23/05/2023.
Projet de loi Industrie verte, loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), décarbonation du bâtiment, démarche de l’UFE
Union française de l'électricité
en Occitanie pour renforcer la filière électrique à la maille territoriale, perspectives après les 100 000 bornes de recharge pour véhicules électriques : News Tank rend compte des échanges.
Le projet de loi Industrie verte
- « Le premier constat concernant le projet de loi sur l’industrie verte : le fait qu’il soit attelé à d’autres véhicules législatifs comme le projet de loi de finances est une difficulté en soi. En renvoyant certaines parties du texte sur un véhicule qui traite de lignes budgétaires, on prend le risque que la question de la décarbonation de l’industrie ne sera pas, in fine, traitée car noyée dans un pool global de discussions autour du budget de l’État, des bonnes allocations ou du bon prélèvement de certaines taxes.
- La question des friches industrielles, qui avait déjà été mise sur la table dans le cadre de la loi d’accélération des énergies renouvelables avec la volonté de les utiliser comme terrains porteurs de projets EnR, est une bonne chose.
- Un autre point du projet de loi touche aux crédits d’impôts et aux prêts déployés par Bpifrance
Banque publique d’investissement dédiée au financement et au développement des entreprises• Création : 2012• Mission : favoriser l’innovation, l’amorçage, le développement, l’internationalisation… . Tout cumulé, cela représente 3 Md€ par an, une somme qui interroge quant aux ambitions réelles de décarbonation de l’industrie qui reste un des secteurs les plus émetteurs avec de forts enjeux, surtout au regard des besoins d’investissements globaux présentés par la Première ministre au Conseil national de la transition écologique, à savoir environ 70 Md€ par an.
- À l’UFE, si nous accueillons favorablement le projet de loi, nous avons travaillé sur des propositions que nous allons porter auprès des parlementaires. D’abord sur la création de Zones Industrielles bas carbone et de grands clusters industriels. Si on regarde le paysage industriel français, on voit que l’industrie s’est créée sur des formats de plateformes souvent régionalisées, avec par exemple la vallée de la chimie en Rhône-Alpes, la sidérurgie dans les Hauts-de-France ou l’aéronautique dans le Sud-ouest. Ces zones doivent pouvoir bénéficier d’un accès facilité à l’électricité décarbonée et aux hubs portuaires et ferroviaires, aussi bien sur les façades maritimes qu’à l’intérieur des terres.
- Ensuite, nous allons avoir des sujets de concentration de nouvelles consommations électriques. Pour les gestionnaires de réseaux comme RTE
Gestionnaire du réseau de transport d'électricité français.- 106 874 km de lignes électriques• Création : 2000• Actionnariat : EDF (50,1 %), CDC (29,9 %) et CNP Assurances (20 %)• Missions :… , Enedis ou les Entreprises locales de distribution, il faut avoir de la visibilité et une planification. Cette planification est faite pour les EnR, il faut faire de même avec les usages et c’est aujourd’hui un manque. Les gestionnaires de réseaux électriques doivent être en capacité de raccorder plus globalement certaines zones identifiées comme régions industrielles de premier rang, avec ici de la production d’hydrogène, ou là un centre de logistique avec une électrification d’une flotte de poids-lourds et des bornes de recharge…
- Sur le sujet de l’attractivité des filières industrielles, il faut mettre l’accent sur les industries qui permettent de déployer les filières de la transition énergétique. Le projet de loi présenté par le Gouvernement ne prend pas en compte cette partie, le Parlement doit, selon nous, s’en saisir. Je pense notamment à celles qui fournissent du matériel ou permettent l’approvisionnement en matières premières. Et il faut également regarder du côté de l’industrie des réseaux qui est un peu oubliée. Car le sujet du développement de la décarbonation est aussi le sujet des raccordements.
- Du côté des mines, il faut définir la notion d’ “extraction responsable” aux normes d’exploitation limitant les émissions de gaz à effet de serre, respectant la biodiversité et garantissant des conditions de travail décentes. Et sur l’accès aux matières premières, il faut multiplier les partenariats industriels pour sécuriser l’approvisionnement. C’est un sujet de souveraineté. Sur le lithium, sujet en lien avec la mine, l’extraction du lithium via la géothermie profonde dans le Grand Est par Electricité de Strasbourg, en est un exemple. On pourrait aussi promouvoir l’économie circulaire pour récupérer les matières premières critiques, par exemple via le développement de mines urbaines. »
« Pour le bâtiment, on prend la température du malade avec le mauvais thermomètre »
- « Alors que nous avons une visibilité sur la politique de décarbonation liée à la mobilité, sur le bâtiment on reste sur un tâtonnement où la référence prise n’est pas forcément celle du CO2, aussi bien en France qu’en Europe. Certains parlent uniquement d'économies d'énergie. Or, la décarbonation, c’est deux choses. C’est d’abord réduire nos consommations énergétiques grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétique. C’est ensuite la décarbonation des vecteurs énergétiques que nous utilisons. Il faut ces deux leviers pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
- Pour la problématique du bâtiment, on prend la température du malade avec le mauvais thermomètre. Nous avons des politiques qui sont constamment décorrélées privilégiant la quantité de travaux à l’efficience même de la rénovation des bâtiments. Il y a un besoin d’accompagnement et d’investissements publics et, de surcroît, un besoin de visibilité. Aujourd’hui, le principal levier pour le bâtiment résidentiel, au moins pour les ménages, est MaPrimeRénov'. Tous les ans pourtant, on se demande ce qu’il y aura dans ce dispositif. Il faudrait plutôt raisonner par objectif d'étiquettes DPE Diagnostic de Performance Énergétique .
- Le bâtiment reste un sujet délicat, car, par exemple, dans les consommations carbonées, il est plus facile de traiter les chaudières fioul que les autres types de chaudières à énergies fossiles. »
L’expérimentation en Occitanie
- « Le sujet de la transition énergétique se fait par et dans les territoires avec les collectivités locales de toutes tailles et les acteurs locaux. Depuis septembre 2022, nous menons une expérimentation en Occitanie. Cette grande région, qui regroupe désormais le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, est bordée par deux territoires nucléaires que sont Golfech (Tarn-et-Garonne) ainsi que le territoire du Gard rhodanien, et porte une politique ambitieuse en matière d’EnR.
- Cette expérimentation est en partie née de l'étude des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire. Nous avons constaté qu’on traitait beaucoup du sujet de la production électrique en délaissant le sujet »usages« . Quand on parle de transition énergétique dans les usages, à l’instar des projets d’EnR finalement, il y a un sujet autour de l’acceptabilité : autour de la mise en place de zones à faible émission par exemple, ou encore de politique en matière de moyens de chauffage dans les logements.
- Nous avons axé notre expérimentation sur la pédagogie. Pendant l’hiver 2022-2023, les collectivités ou les entreprises, confrontées à la hausse des factures énergétiques, ont individualisé le sujet énergétique. Notre travail de pédagogie a par exemple été axé sur le fonctionnement des marchés de l’électricité et les dispositifs d’aides comme les boucliers tarifaires. Avec d’un côté des discussions avec l’administration centrale, les cabinets ministériels à Paris et de l’autre des discussions avec les préfets et les entreprises locales, on s’est rendu compte que d’un dispositif a priori global et complet, on est passé à un dispositif à améliorer… Ainsi, avec cette démarche, on confronte les politiques stratégiques de moyen-long terme aux réalités du terrain.
- Quand on parle de décarbonation de l’industrie, on parle des 50 plus gros sites émetteurs en France, mais on oublie toute la filière derrière, des PMI
Petite et moyenne industrie
qui n’ont pas forcément accès au monde politique, qui n’ont pas les mêmes dotations pour intégrer une nouvelle disposition réglementaire ou législative, ou tout simplement s’informer et digérer des guides qui peuvent exister. »
Debrief énergies du 23/05/2023 - © UFE
Mobilité électrique : « Un objectif de 7 millions de points de recharge en 2030 »
- « Nous avons atteint le totem des 100 000 points de charge pour véhicules électriques le 05/05/2023, soit seulement quelques mois après un objectif fixé initialement à fin décembre 2022. Le déploiement des bornes est hétérogène selon les régions françaises. À l’UFE, nous suivons ce déploiement au regard du parc de voitures électriques grâce à notre outil 'Watt the carte'.
- La région Occitanie est très en avance. En Île-de-France, au-delà du sujet socio-démographique, le département des Hauts-de-Seine compte un grand nombre de véhicules du fait de l'électrification des flottes des sièges des sociétés. La région Auvergne-Rhône-Alpes, PACA Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse sont plus en retard sur les bornes de recharge.
- Contrairement à ce que l’on pense, le véhicule électrique n’est pas forcément un véhicule plus citadin qu’un véhicule du monde rural. Selon des études, que vous soyez à la campagne ou en ville, le kilométrage moyen hebdomadaire est relativement similaire. En réalité, ce sont les péri-urbains qui font le plus de trajets pendulaires. Et souvent, en milieu rural, il est plus facile d’avoir une recharge individuelle à domicile.
- La question est de savoir ce qu’on fait après ces 100 000 bornes. La dynamique va-t-elle tenir ? Nous militons pour un nouvel objectif afin de se projeter jusqu’à 2030. La LTECV Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 par exemple fixait un objectif qui était de 7 millions de bornes en 2030 dont 10 % en bornes accessibles au public. Toutefois, compte tenu des puissances de recharge plus rapides qu’avant, cela aura un incidence sur le maillage du territoire.
- Les objectifs de déploiement européens ne sont pas assez ambitieux. Il faut aller plus loin et accélérer dans les copropriétés, une des zones blanches en termes d’accès à la recharge, maintenant que nous avons tous les outils disponibles. »
Loi de programmation énergie-climat : « Un besoin de visibilité et un sujet sur l’emploi et les compétences »
- « Nous participons aux groupes de travail mis en place pour la ministre dans le cadre de la future loi de programmation énergie-climat. Il faut avoir une vision programmatique, notamment sur les sujets comme le bâtiment où il y a un besoin de visibilité et d’avoir un engagement de la politique publique sur le moyen ou long terme.
- Et il y a un sujet sur l’emploi. Il y a un besoin de visibilité sur l’emploi et les compétences. Cela nécessite d’adopter une démarche de programmation qui établit clairement les scénarios énergétiques à suivre et d’arrêter les tergiversations. Créer une nouvelle formation prend du temps et il faut créer des synergies avec le ministère de l'Éducation nationale pour, par exemple, déjà mettre en éveil sur la thématique de transition énergétique. Cela permet également d’anticiper les transitions entre les secteurs économiques. »
Mathias Laffont, directeur Usages et territoires à l’Union française de l'électricité, lors du Debrief énergies organisé par News Tank le 23/05/2023
Mathias Laffont
Directeur usages et territoires - Directeur des études @ Union française de l'électricité (UFE)
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Parcours
Directeur usages et territoires - Directeur des études
Directeur économie, mobilité et bâtiment
Responsable des affaires économiques et mobilité
Économiste, responsable adjoint de l’unité régulation des gestionnaires d’installations de service
Économiste - Rapporteur permanent
Établissement & diplôme
Doctorat en sciences économiques
Diplôme européen d'économie quantitative approfondie
Master 2 de recherche, économie des marchés et des organisations
Master 1 d'économie option finance, Master 1 de gestion option ressources humaines
Fiche n° 46843, créée le 20/07/2022 à 15:25 - MàJ le 20/07/2022 à 15:39
Union française de l'électricité (UFE)
Association professionnelle du secteur de l’électricité, l’UFE regroupe des producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité et de services d’efficacité énergétique, mais aussi différents syndicats ou fédérations sectorielles.
- Regroupe 21 membres
• Présidente : Christine Goubet-Milhaud
• Déléguée générale : Cécile George
• Contact : Rudy Cluzel, directeur de la communication et des affaires publiques
• Tél. : 01 58 56 69 00
Catégorie : Groupement professionnel
Adresse du siège
3, rue du 4-septembre75002 Paris France
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Fiche n° 13589, créée le 01/06/2022 à 15:46 - MàJ le 21/02/2023 à 13:09