Vous intervenez au Forum économique breton, organisé à Saint-Malo les 10 et 11/09/2025. Quelles sont les spécificités de cette région en matière d’énergie ?

Jean-Philippe Berton : La Région Bretagne produit sur son sol entre 6 et 6,5 TWh d’électricité par an et en consomme entre 20 et 21 TWh par an. L’électricité que nous ne produisons pas vient principalement des régions Centre-Val de Loire et Normandie. La région Bretagne est bien irriguée, et il n’y a pas de problématique liée à l’utilisation de l’électricité.

Enedis investit pour que les usages de l’électricité puissent augmenter en suivant la trajectoire d’électrification des usages. Tout est planifié, et des investissements massifs sont prévus pour intégrer les énergies renouvelables, mais aussi pour rendre les réseaux plus résilients.

Sur les usages, il n’y a pas de spécificité en Bretagne par rapport aux autres régions. Il existe des spécificités en fonction des secteurs, des industries, mais pas dans le domaine des usages. Le premier facteur d’électrification en Bretagne, c’est le transport, comme partout en France.

Stéphane Raison, vous avez pris vos fonctions il y a un an chez EDF. Quels sont vos principaux défis en tant que responsable de l’installation des grands sites de consommation ?

Stéphane Raison : Nous avons un plan de développement de la consommation électrique. En France, environ deux tiers de notre consommation d’énergie est fossile. Pour redevenir souverain, être moins dépendant de pays producteurs de gaz ou de pétrole, l’électricité — qui est abondante — doit être utilisée en France pour de nouveaux usages. Ce constat a été dressé par Luc Rémont
, puis repris par Bernard Fontana Président-directeur général @ EDF
, président-directeur général d’EDF. L’enjeu est de pousser l’usage de l’électricité dans l’industrie, dans le transport, dans le numérique et dans le bâtiment.

Mon travail est d’accélérer l’usage de l’électricité en France. Lors de cette première année, nous nous sommes focalisés sur les data centers, un sujet qui nous n’adressions pas du tout chez EDF. Comment pouvons-nous utiliser notre foncier pour aider le plan du Président de la République sur l’arrivée de l’intelligence artificielle en France ? Nous avons raté le cloud, il ne faut pas rater l’IA. Pour cela, il faut être attentif au time to market : comment EDF peut aider le time to market pour faire en sorte que les entreprises s’installent en France et pas ailleurs, tout en utilisant notre électricité ?

Ce qui est paradoxal, c’est que nous envoyons l’électricité que nous n’utilisons pas sur les interconnexions, que cette dernière est mal payée car ce n’est pas nous qui décidons, et nous fournissons de l’électricité décarbonée française à des industriels qui s’installent dans nos pays voisins. L’électricité décarbonée française doit bénéficier à l’industrie française.

Auparavant, EDF n’adressait pas de projets pour le compte de tiers. C’est aujourd’hui ma mission.

Où en êtes-vous concernant les Capn contrat d’allocation de production nucléaire  ? L’objectif de 30 TWh de Capn signés d’ici la fin de l’année 2025 annoncé par François Bayrou en juillet dernier vous semble-t-il atteignable ?

Nous avons inventé quelque chose de nouveau, juste après la crise de 2022 »

Stéphane Raison : Nous suivons cette direction. Quand on passe d’un système à un autre, il y a toujours de l’incertitude sur les prix, sur la durée des contrats… Nous avons dû inventer quelque chose de totalement nouveau, juste après la crise énergétique de 2022. Nous avons avancé avec les industriels, et aujourd’hui nous signons des contrats presque tous les jours. Est-ce que nous serons à 30 TWh ou à 25 à la fin de l’année 2025 ? Je n’en sais rien. L’échéance, c’est le 01/01/2026. Nous pouvons aussi signer des contrats sur cinq ans, et aujourd’hui nous faisons partie des seuls électriciens à donner de la visibilité sur cinq ans. Ça a de la valeur. Par ailleurs, n’oublions pas que nous avons les prix de l’électricité les moins chers d’Europe.

Êtes-vous impacté par le retard dans le calendrier législatif, notamment concernant la PPE Programmation pluriannuelle de l’énergie 3 ?

Jean-Philippe Berton : Bien sûr qu’un cadre législatif facilite nos activités. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de décret qu’EDF va s’arrêter. Nous lançons tout un tas de projets en avance de phase, bien entendu en concertation avec les territoires.

Stéphane Raison : Nous sommes également en attente de la loi de simplification de la vie économique. Bien sûr que nous aimerions que les data centers qu’accueillera EDF soient classés PINM (projet d’intérêt national majeur). Cela nous permettrait d’accélérer encore le dispositif réglementaire. Mais, aujourd’hui, nous ne l’avons pas, et nous faisons avec, dans un cadre contraint avec les textes tels qu’ils existent. Nous avons toujours fonctionné comme cela.

Nous serons beaucoup plus confortables avec la PPE »

Jean-Philippe Berton : Nous sommes au cœur d’un secteur très capitalistique qui ne supporte pas les à-coups. Des discours ont été prononcés, des intentions ont été données notamment par le Président de la République dans ce discours de Belfort, que nous soutenons évidemment. Maintenant, nous attendons une traduction et nous appelons de nos vœux la publication que la PPE. Nous serons beaucoup plus confortables avec ce décret.