Parc éolien en mer Oléron 1 : « La relance est loin d’être simple » (L. Bordereaux, La Rochelle Université)
« Relancer le projet éolien au large d’Oléron ? C’est bien la question du jour, à la suite de la déclaration du Président de la République aux Assises de la mer de La Rochelle du 04/11/2025 ! Au lendemain de l’échec de l’appel d’offres éolien au large d’Oléron (Oléron 1), il faudrait ainsi “remettre la copie sur la table”, le Gouvernement travaillant semble-t-il à une relance du projet. Mais de quelle relance s’agit-il (ou pourrait-il s’agir) ? Le projet est loin d’être simple, comme en témoigne l’issue de l’appel d’offres », écrit Laurent Bordereaux, juriste et professeur à l’université de La Rochelle (Charente-Maritime), spécialiste en droit des zones côtières, dans une tribune transmise à News Tank le 04/11/2025.
L’AO
appel d’offres
pour le parc éolien offshore posé situé au Sud-Atlantique au large de l’île d’Oléron (AO7) n’a fait l’objet d’aucune offre au terme de la période de candidature, a annoncé le Gouvernement le 24/09/2025.
L’idée d’un parc née en 2015
- L’idée d’un parc éolien au large de l’île d’Oléron en mode « posé » est née il y a déjà dix ans… Imaginé à l’époque au cœur du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des Pertuis charentais, ainsi que de deux zones de protection environnementale « Natura 2000 » (au titre des directives européennes « oiseaux » et « habitats »), ce projet très controversé a fait l’objet d’un débat public critique (et même houleux) de cinq mois, organisé par la Commission nationale du débat public. Il fut suivi d’une décision ministérielle actant la poursuite du projet le 27/07/2022.
- Le Gouvernement y confirmait la réalisation d’un parc éolien offshore en zone Sud-Atlantique mais en l’éloignant du littoral, le localisant en bordure extérieure du parc marin et de la zone Natura 2000 « habitats », à environ 40 kilomètres des côtes. Il restait néanmoins en pleine zone de protection spéciale (ZPS Zone de protection spéciale ) au titre de la directive « oiseaux »…
Un premier échec retentissant
- C’est sur cette base fragile que l’appel d’offres AO appel d’offres 7 a été lancé, pour se solder par un échec retentissant : pour la première fois en France, un projet éolien offshore a été déclaré infructueux, après de longues années de gestation, faute de candidats intéressés. De quoi bien évidemment interroger les acteurs publics et privés de la filière EMR Énergies Marines Renouvelables , indépendamment du contexte économique et géopolitique international.
- Les caractéristiques propres du projet d’Oléron, d’ailleurs rappelées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans sa délibération du 24/06/2025, n’ont en effet pas manqué de questionner professionnels et décideurs : implantation d’éoliennes posées en grande profondeur (et de surcroît en zone Natura 2000), éloignement important des côtes, caractéristiques du raccordement, tarif de rachat de l’électricité produite jugé faible, etc.
Dans le flou
- C’est dans ce contexte particulier qu’il faut apprécier les propos du Président de la République du 04/11/2025. Il y a certes un soutien politique et une volonté de relance affichée concernant la façade Sud-Atlantique, mais celle-ci n’apparaît pas non plus particulièrement appuyée au regard des attentes qui ont pu s’exprimer ces derniers jours… Une volonté de relance pas particulièrement appuyée »
- Et on reste pour le moins dans le flou quant aux pistes d’évolution. On n’en sait bien peu à ce stade sur les nombreuses questions en suspens. Un passage en mode flottant est-il souhaitable et envisagé ? Quid du projet éolien « Oléron 2 », qui devait jouxter « Oléron 1 » ? Un regroupement est-il à l’étude dans le cadre d’un nouvel appel d’offres ? Mais dans ce cas où en est précisément le dossier de la publication de la « PPE Programmation pluriannuelle de l’énergie 3 » ? Quel tarif de rachat de l’électricité serait soutenable (pour l’ensemble des acteurs) ?
Être clair sur les enjeux de la localisation géographique
- Enfin, il faut être clair sur les enjeux de la localisation géographique, au cas où il existerait des velléités de rapprochement des côtes du projet éolien d’Oléron. Le sujet est-il virtuel ? Il s’agit là d’un point crucial qui a été longuement discuté lors du débat public sous l’égide de la CNDP Commission nationale du débat public .
- Pour des raisons tenant notamment au respect de la démocratie environnementale, sans laquelle aucun grand projet d’infrastructure ne peut solidement se construire, il ne serait pas sérieux d’envisager à nouveau ce projet éolien au cœur du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des Pertuis charentais. Sa situation actuelle en zone « Natura 2000 » de protection des oiseaux est déjà suffisamment problématique.
- Dans ce registre sensible et sans aller jusqu’à évoquer le volet contentieux (qui n’est pas virtuel), rappelons simplement que la CRE (dans sa délibération précitée de juin 2025) a évoqué, au titre des retours de la filière EMR, « les incertitudes sur l’impact des mesures de compensations imposées au titre de la protection de la biodiversité (bridages avifaune) ».
- Qui plus est, c’est dans le cadre des documents stratégiques de façade révisés que s’opère aujourd’hui la planification des parcs éoliens en mer. Fruit d’un travail de concertation et d’un équilibre éminemment délicat entre plusieurs objectifs et impératifs, il ne s’agit pas de les détricoter au lendemain même des déconvenues d’un appel d’offres. Le DSF Documents stratégiques de façade Sud-Atlantique, en l’occurrence, acte bien l’éloignement des côtes, dans le cadre d’ailleurs des enseignements du grand débat public sur la mer de 2024. Rappelons encore que l’Autorité environnementale, dans un avis du mois de mars 2025 sur le DSF Sud-Atlantique, a précisé que les projets éoliens « ne pourront être autorisés en l’état en zone Natura 2000 que si les incidences résiduelles, après évitement et réduction, sont négligeables ». Au-delà des paroles, les problèmes du dossier brûlant d’Oléron n’ont pas disparu »
- Finalement, la lucidité commande d’appréhender ces Assises de la mer rochelaises du 04/11/2025 avec la plus grande prudence : au-delà des paroles et des intentions affichées, les problèmes du dossier brûlant d’Oléron n’ont pas disparu et il en faudra certainement plus pour que les industriels de l’offshore envisagent sérieusement d’investir des milliards d’euros au large des côtes de la Charente-Maritime, sans même parler des associations contestataires…
Laurent Bordereaux
Professeur des universités en Aménagement de l’espace, urbanisme ; co-responsable du master Droit public @ La Rochelle Université
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Parcours
Professeur des universités en Aménagement de l’espace, urbanisme ; co-responsable du master Droit public
Membre du conseil scientifique
Maître de conférences en droit public
Fiche n° 45895, créée le 27/04/2022 à 12:12 - MàJ le 04/11/2025 à 21:22

