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Géothermie : « Une approche plus industrielle du développement de la filière » (J-J. Graff, AFPG)

News Tank Energies - Paris - Entretien n°306063 - Publié le
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Jean-Jacques Graff -

« Le plan géothermie présenté par le Gouvernement en février 2023 était une première bonne intention ; maintenant nous attendons la deuxième version qui est prête et devrait être présentée d’ici fin 2023. Celle-ci inclut 50 actions, contre 16 actions dans le plan initial, et s’intéresse de plus à l’Outre-mer et aux exportations. L’approche y est plus industrielle. Chaque action est structurée avec un pilote et des contributeurs qui rendront compte auprès du comité de suivi. Cette organisation industrielle est rassurante ; il ne s’agit pas uniquement de grands discours », déclare Jean-Jacques Graff Directeur géothermie @ • Président @ Association française des professionnels de la géothermie (AFPG)
, président de l’AFPG Association française des professionnels de la géothermie (Association française des professionnels de la géothermie) à News Tank, le 15/11/2023. Cette nouvelle version du plan géothermie inclura une feuille de route élaborée par la profession avec l’Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie .

« La filière géothermie française se porte très bien même si elle reste toujours très en retard par rapport aux autres EnR Énergies renouvelables . Elle est encore très en retrait de ses capacités mais il y a cependant une prise de conscience des pouvoirs publics de ce qu’elle pourrait apporter, et nous sommes sur une bonne tendance de développement. Le défi est donc d’être à la hauteur de l’énorme sollicitation que nous connaissons en ce moment. Nous payons actuellement des décisions stratégiques qui n’ont pas permis de maintenir certaines entreprises, notamment de forage en géothermie de surface, dans les années 2010. »

Une mission d’information flash sur les conséquences de la géothermie profonde, demandée par le député du Bas-Rhin Vincent Thiébaut (Horizons), a été approuvée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 07/11/2023. « Nous sommes satisfaits que nous puissions faire un focus sur la géothermie et débattre sur le sujet. Vincent Thiébaut nous a proposé de travailler avec lui, de l’aider à faire des propositions pour améliorer l’acceptabilité et la réglementation notamment », réagit Jean-Jacques Graff.

Jean-Jacques Graff répond aux questions de News Tank.


Comment se porte la filière géothermie en France ? Quels défis rencontre-t-elle ?

La filière se porte très bien même si elle reste toujours très en retard par rapport aux autres EnR. À l’instar du solaire thermique, la géothermie reste un parent pauvre car la priorité est davantage donnée à la biomasse et l’aérothermie. Elle est encore très en retrait de ses capacités mais il y a cependant une prise de conscience des pouvoirs publics de ce qu’elle pourrait apporter, et nous sommes sur une bonne tendance de développement.

Le défi est donc d’être à la hauteur de l’énorme sollicitation que nous connaissons en ce moment. Nous payons actuellement des décisions stratégiques qui n’ont pas permis de maintenir certaines entreprises, notamment de forage en géothermie de surface, dans les années 2010. Le nombre de PAC Pompe à chaleur géothermiques pour les particuliers est tombé de 20 000 en 2010 à 3 000 en 2023. La dynamique redémarre très fortement et nous faisons face à des problèmes de sous-effectifs.

La géothermie de surface suscite beaucoup d’espoir pour le secteur tertiaire notamment ; les hypermarchés qui veulent décarboner ont besoin de centaines de forages de sondes sur leurs parkings. Mais les formations sont longues, il faut six mois pour former un assistant foreur, donc c’est un défi pour répondre à la demande. Si les maîtres d’ouvrage s’intéressent à la géothermie mais qu’on leur annonce qu’il faut attendre un an ou plus pour réaliser les projets, cela peut les décourager.

La géothermie, c’est le temps long »

Les pouvoirs publics ont pris la mesure de ce qu’est géothermie, à savoir du temps long. La nécessité d’atteinte de la neutralité carbone, la crise ukrainienne et la hausse rapide des prix du gaz ont permis d’engendrer un changement. Beaucoup d’investisseurs et de collectivités locales réfléchissent désormais sur une durée plus longue, qui dépasse celle du mandat politique.

À l’heure où sont menés les travaux relatifs à la future SFEC Stratégie française sur l’énergie et le climat , quelle place la géothermie doit-elle selon vous avoir dans les prochaines années ?

En matière de production de chaleur, la géothermie répond actuellement à près de 1 % des besoins. Elle correspond à 4 % de la production de chaleur renouvelable. De l’autre côté, les énergies fossiles représentent encore 60 % de la production de chaleur. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devrons moins dépendre des importations des énergies fossiles.

Si l’on regarde les différentes possibilités de remplacement, on voit que la progression de la biomasse ne sera pas linéaire dans les années à venir, que le biogaz est intéressant mais le gisement de ressources possibles reste limité, et que le solaire thermique nécessite des grandes surfaces et est une filière qui a encore besoin d’être développée. Les économies d’énergie doivent permettre de gagner 100 à 150 TWh Térawatt-heure de chaleur. La géothermie produit aujourd’hui 7 TWh et on estime le potentiel de production à 100 TWh d’ici 2035-2040 si les pouvoirs publics et les investisseurs accélèrent.

Le Gouvernement a présenté un plan géothermie en février 2023 Publié le 02/02/2023 à 17:00
Structurer la filière de la géothermie et renforcer la capacité de forage ; développer l’offre de formation pour disposer des compétences ; accompagner les porteurs de projets — élus locaux…
. Vous paraît-il satisfaisant et suffisant ? Où en est-on dans son déploiement ?

Ce plan était une première bonne intention ; maintenant nous attendons la deuxième version d’ici la fin 2023. La filière a travaillé avec l'Ademe Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie depuis 2021 sur une feuille de route que le ministère de la Transition énergétique a décidé d’englober dans cette deuxième version. Celle-ci inclut 50 actions contre 16 actions dans le plan initial et s’intéresse de plus à l’Outre-mer et aux exportations. La France est championne d’Europe en géothermie. Nous avons un savoir-faire, nous sommes perçus comme un très bon élève et, étant donné qu’il y a un grand besoin de chaleur renouvelable en Europe, nous sommes sollicités pour des activités à l’export.

Cette organisation industrielle est rassurante  »

Cette deuxième version incluant la feuille de route Ademe nous satisferait pleinement. Nous avons demandé la mise en place d’un comité de suivi, car la précédente feuille de route de l’Ademe, datant de 2011, n’a pas fait l’objet de suivi et a été un peu oubliée. Désormais, l’approche est plus industrielle. Chaque action est structurée avec un pilote et des contributeurs qui rendront compte auprès du comité de suivi. Cette organisation industrielle est rassurante ; il ne s’agit pas uniquement de grands discours. Quatre réunions du comité de pilotage ont déjà eu lieu et nous attendons la sortie du plan dans sa version intégrale pour compléter, suivre les actions et organiser les autres groupes de travail en conséquence.

Quelles sont les actions qui vous paraissent particulièrement importantes ?

Une des plus importantes concerne la formation des assistants foreurs. Il y a également la refonte du fonds de garantie du risque géologique, autorisé par la Commission européenne à l’été 2023. Il faut mentionner aussi les actions qui mettent l’accent sur le Fonds chaleur. Celui-ci est un outil exceptionnel qui permet le développement de la filière et des projets. Il faut donc poursuivre le travail engagé depuis 2009 et notamment les garanties d’aides à l’investissement pour réduire les importations d’énergies fossiles. 

Par ailleurs, le plan comprend des actions axées sur le développement de nouvelles applications. Une grande partie de la géothermie profonde alimente des réseaux chaleur urbains mais il peut y avoir des applications en zones rurales. Elle peut permettre d’alimenter des industries et particulièrement la filière agroalimentaire. Avec la crise des prix du gaz, beaucoup de maraichers sous serre ont été contraints d’arrêter leur activité. La filière nous a sollicités pour voir comme alimenter les serres avec de la géothermie. Un travail est donc mené sur ce sujet, sous l’égide du bureau chaleur de la DGEC Direction générale de l’énergie et du climat . Cela permettrait aussi de soutenir la souveraineté alimentaire de la France car on compte actuellement 1 100 hectares de serres chauffées pour la plupart au gaz. 

Enfin, un nouvel axe de ce plan concerne les mécanismes de financement. Le principal problème de la géothermie est que les investissements sont extrêmement élevés au départ. Il est donc demandé à la filière de réfléchir à des modes de financement nouveaux. Nous avons travaillé avec des établissements financiers pour se rapprocher du modèle de la location option achat des voitures. Il est possible de monter des mécanismes de ce type. L’avantage de la géothermie est que l’installation n’est pas une occasion, elle reste extrêmement performante sur des décennies. Il y a des entités de financement intéressées par ces placements à long terme.

Vous évoquez des investissements très importants. L’accompagnement financier des pouvoirs publics est-il selon vous à la hauteur ?

La filière a besoin de perspective »

La tendance est positive. Le Club de la chaleur renouvelable et de récupération qui rassemble la Fedene Fédération des services énergie environnement , Amorce, le SER Syndicat des énergies renouvelables , l'ATEE Association technique énergie environnement , l’AFPG, Enerplan, Cibe Comité interprofessionnel bois énergie , Via Sèva, demande que le Fonds chaleur soit doté d'1 Md€/an garanti sur le long terme. Un projet de géothermie conséquent ne se fait pas en une année mais plutôt sur trois à cinq ans. Le maître d’ouvrage doit être rassuré sur le fait que son installation sera toujours aidée par le Fonds chaleur. Cela permettrait de lancer la filière et si on sent un gros engorgement, alors il faudrait passer le fonds à 2 Md€/an. Jusqu’ici, les pouvoirs publics nous disaient qu’il fallait faire plus de projets pour augmenter le Fonds chaleur. Ils ont désormais compris que pour cela, la filière a besoin de perspectives. Donc j’ai bon espoir que l’on parvienne à ce milliard d’euros annuel indispensable.

Comment accueillez-vous le lancement d’une mission d’information sur la géothermie profonde, approuvée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 07/11/2023 et dont le député alsacien Vincent Thiébaut est nommé rapporteur ?

Nous sommes satisfaits que nous puissions faire un focus sur la géothermie et débattre sur le sujet. Vincent Thiébaut nous a proposé de travailler avec lui, de l’aider à faire des propositions pour améliorer l’acceptabilité et la réglementation notamment. Lui-même est un grand partisan de la géothermie chaleur.

Vous évoquez la question de l’acceptabilité, qui est un sujet récurrent en matière d’EnR. Qu’en est-il de l’acceptabilité des projets géothermiques dans les territoires ? Les événements sismiques qui ont eu lieu en Alsace à la suite de forages géothermiques en 2019 et 2020 ont-ils freiné la filière ?

L’acceptabilité des projets de géothermie de surface se passe bien. Une enquête de satisfaction demandée par l’Ademe a montré que 100 % des gens possédant une géothermie de surface sont satisfaits. Le sujet concerne donc plutôt la géothermie profonde. Certaines populations et associations ont effectivement le risque sismique en tête. La géothermie profonde peut développer des emplois, contribuer à la souveraineté énergétique mais elle doit être réglementée correctement.

À la suite des événements de 2020-2021 en Alsace, l’opérateur concerné a transmis toutes les données. Nous avons travaillé pendant deux ans sur le sujet et tiré des leçons. Nous avons monté un groupe de travail avec des opérateurs européens pour effectuer un recensement des bonnes pratiques de la profession. Nous avons envoyé une synthèse à la DGPR Direction générale de la prévention des risques . Celle-ci a mandaté Ineris Institut national de l’environnement industriel et des risques  et le BRGM Bureau de recherches géologiques et minières pour sortir un guide. C’est un excellent document, certainement le meilleur au monde sur cette thématique. Il a d’ailleurs été décidé de le traduire en anglais avec une sortie prévue en janvier 2024. Le guide définit un cahier des charges à respecter pour faire en sorte que ces événements ne se produisent plus.

Une logique d’amélioration continue »

On est dans le monde industriel donc on apprend des erreurs et on progresse dans une logique d’amélioration continue. La géothermie profonde ne fait pas exception. Par exemple, désormais, les différents opérateurs ne foreront pas aux mêmes profondeurs. Même s’il n’existe pas de limite imposée, les garanties sont données jusqu’à 3 km.

En Alsace, les élus comptent énormément sur la géothermie sans laquelle l’équation de la pollution de l’air ne peut être résolue. Dans la région de l’Outre-Forêt, dans le nord de l’Alsace, les opérateurs ont poursuivi leur travail. Il s’agit d’un ancien bassin pétrolier où la population a une certaine culture du sous-sol. Les élus y sont favorables au développement de la géothermie chaleur et à l’extraction du lithium. Ils voient cela comme un atout de développement économique très fort.

Dans ce territoire, il y a toute une réflexion pour en faire un territoire des énergies du sous-sol et donc cultiver cette culture du sous-sol qui s’est parfois un peu perdue en raison de l’importation des matières premières. Les pratiques des opérateurs ont évolué : ils réalisent la nécessité de faire visiter les sites, de mettre en place des mécanismes de financement participatif, d’aller dans les écoles pour présenter la géothermie. Cela est d’autant plus important qu’il nous faut moins dépendre des énergies fossiles et des importations en général, et que, sans soutien, certaines filières peuvent s’arrêter du jour au lendemain.

Jean-Jacques Graff


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Parcours


Directeur géothermie
BYGéo 
Président
ÉS Géothermie
Directeur général

Établissement & diplôme

Arts et Métiers (École nationale supérieure d’arts et métiers - Ensam)
Ingénieur

Fiche n° 50300, créée le 13/11/2023 à 15:03 - MàJ le 13/11/2023 à 15:56

Association française des professionnels de la géothermie (AFPG)

Organisation qui fédère et représente les professionnels français de la géothermie
Création : 2010
Adhérents : 150 structures (octobre 2024)
Métiers : foreurs, fabricants et installateurs de pompes à chaleur, gestionnaires de réseaux de chaleur, bureaux d’études en géosciences et thermiques, universités et organismes de recherche, associations et syndicats, énergéticiens, investisseurs etc.
Deux filières :
- Géothermie de surface
- Géothermie profonde
• 3 clusters : Geodeep, Alliance Lithium, France Goénergie
Missions :
- Représenter et fédérer les professionnels de la filière en France métropolitaine et dans les Drom
- Informer les collectivités, les industriels et les particuliers des ressources et de la diversité de l’offre géothermique
- Accompagner les pouvoirs publics en matière de réglementation, de législation et de certification
- Promouvoir les métiers de la géothermie
- Structurer et valoriser la filière française géothermie à l’export
Déléguée générale : Virginie Schmidle-Bloch
Tél. : 09 81 64 74 12


Catégorie : Associations


Adresse du siège

77, rue Claude Bernard
75005 Paris France


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Fiche n° 14299, créée le 28/11/2022 à 11:36 - MàJ le 17/10/2024 à 09:42

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